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CHERIF, BLOGUEUR DU TCHAD 2.0
CHERIF, BLOGUEUR DU TCHAD 2.0
16 mars 2017

La Télé-Tchad de demain

Si l’on me confiait la réflexion sur l’avenir de la télévision nationale tchadienne, je m’appuierai sur ce que Michel Serre décrit comme « la troisième révolution anthropologique de l’histoire de l’humanité : le numérique ». Mais aussi sur les leçons apprises des conférences du Boson Project, qui prônent l’adaptation comme socle de la réussite dans le monde de l’entreprise. Voici en filigrane, la télé demain, telle que je la vois.

digressions

On m’a trop souvent reproché de critiquer…uniquement critiquer ce qui se décide au Tchad. La réponse que je donnais aux personnes qui m’aiment (car elles me disent les choses telles qu’elles le pensent) est la suivante : ‘’Je ne suis pas aux affaires, encore moins un politicien en campagne pour faire des propositions (ou des contre-propositions); qui de toute manière seront au mieux imitées (donc délestées de leur essence créative). Et au pire, oubliées dans un tiroir’’ C’est un peu ce dont souffrait Schopenhauer auprès de l’intelligentsia allemande du début du XIXème siècle. A la différence que je ne suis pas aussi prolifique et structuré intellectuellement que ce grand philosophe de l’école kantienne et que l’intelligentsia tchadienne n’est pas… (ok, j’arrête !)

 

En parlant d’Arthur Schopenhauer, je vous annonce un billet de blog sur ce que le planning stratégique doit à« L’art d’avoir toujours raison », un ouvrage qui a influencé beaucoup de sociologues/philosophes contemporains sur la dialectique et la rhétorique des discours politique.

J’ai déjà le titre de l’article (Si Schopenhauer m’était compté !), car je sais exactement ce qu’il y aura dedans. Il  reste maintenant à bien articuler et argumenter le papier.

 

Sortons de la critique et entrons dans le champ de la proposition (publiquement, car je n’ai jamais cessé de le faire dans un cadre strictement professionnel):

La refonte de l’audiovisuel public

Il y a un mois j’ai été reçu, à ma demande, par Madeleine Alingué, ministre de la Communication du Tchad. Durant un entretien de 30 minutes j’ai pu découvrir une femme humble, à l’écoute et consciente de la tâche énorme qui est devant elle. Mais je ne la plaindrais pas pour ce troisième point, car c’est pour des challenges de la sorte que les personnes intelligentes se lèvent chaque matin.

Un citoyen tchadien reçu par une ministre de la République, jusqu’à là, rien de vraiment étonnant. Ce qui l’est plus, c’est que la ministre est une personne pratique (j’avais écrit pragmatique, mais pratique est plus en phase avec la situation) dans sa réflexion. J’ai retenu une phrase qui dénote avec la phraséologie grandiloquente de certains de ses collègues. Je ne vais pas vous dire de quoi nous avons parlé, par respect et par loyauté cela ne se fait pas, mais juste ressortir un élément de cette conversation, qui pourrait vous paraitre creux de prime abord, mais qui résume avec justesse le questionnement de la majorité des Tchadiens : « J’ai envie qu’en me branchant sur Télé Tchad, je puisse avoir une belle image et un excellent son ». La fille de Jean Alingué, ancien PM, a résumé en une phrase l’un des défis du plus gros chantier qui lui est confié au ministère de la Communication, à savoir la refonte de l’audiovisuel public et sa figure de proue qu’est Télé Tchad.

Des chantiers, il y en a beaucoup d’autres (le cadre légal du HCC, le statut des régisseurs publicitaires, la réglementation ‘’diplomante’’ pour accéder à certains métiers, la reconnaissance de la presse en ligne, la frontière légale entre la fonction d’attaché de presse et journaliste,  etc), mais procédons de manière méthodique, chaque chose en son temps… Schopenhauer aurait apprécié.

Avec Chérif Adoudou aux commandes, la question de l’image et du son de Télé Tchad sera résolue en moins d'un mois. C’est une question d’ordre technique, mais pas que. Les équipements dont bénéficie la télé sont tous normés pour offrir la meilleure qualité. Le souci est au niveau des ressources humaines. Tous les réalisateurs, cadreurs, monteurs, preneurs de son et graphistes de la télé bénéficieront d’une formation (non pas qu’ils ne savent pas ce qu’ils font, mais pour assurer et enrichir leur culture professionnelle) sur les formats de télévision numérique. Ils signeront ensuite une charte de qualité qui les obligera à appliquer les acquis de la formation et seront soumis à des évaluations périodiques sur la qualité du travail fourni. Ces évaluations auront bien évidement des répercussions sur le traitement final du salarié et sur les éventuelles promotions.

J’ai, en théorie, résolu les problèmes d’image et de son.

A mon sens, les questions inhérentes à la refonte de l’audiovisuel public doivent être plus idéologiques.

agilité

L’identité, les valeurs internes, l’image publique et le positionnement sont les quatre piliers à refonder dans l’audiovisuel public tchadien. Et ce, bien avant les questions de grilles de programmes, de logos, de directions ou que sais-je. Cela implique une réflexion profonde qui doit être menée par des personnes extérieures à la machine administrative. Des femmes et des hommes qui ont un regard détaché, mais mus par des objectifs de qualité et de compétitivité hérités de leur parcours respectifs dans le secteur privé.

Voici six questions essentielles (issues d’une liste de 20 rédigées dans le cadre de ma réflexion) par lesquelles on peut trouver des réponses pour construire ‘’ la télévision de demain ‘’.

Quelle télé souhaitons-nous dans 5 ans ? Sachant qu’un lustre dans notre monde hyper connecté est l’équivalent de 50 ans dans les schémas anciens.

Quel positionnement éditorial (actualité, cinéma, divertissement, sport, jeunesse, culture) pour être en phase avec le téléspectateur ? …avec le monde ? … pour contrer la concurrence des chaines privées tchadiennes et étrangères ? Avec des idées d’aujourd’hui et un cinquantaine de millions d’investissement, n’importe quel homme d’affaires visionnaire peut jeter Télé Tchad aux oubliettes. La télé nationale pensent être indéboulonnable, ce qui est faux, et oublie de regarder autour d’elle. Quand le marché de la publicité sera plus concurrentiel, des télés privées, avec des modèles économiques ‘’agiles’’ pousseront comme des champignons. Au Cameroun par exemple, les STV, Canal2, etc. ont secoué et dépassé la CRTV.   

Comment utiliser l’audiovisuel public pour construire un « soft-power » tchadien ? Parce que la télévision nationale et ses productions peuvent être l’instrument d’une diplomatie qui passe par la culture, le sport.. par une image dynamique du pays tout simplement. Les productions Iroko (et leur application Android) attirent les fans des séries diffusées à la télé mais aussi le petit monde des vidéastes professionnels africains. Ces derniers font le déplacement de Lagos. Ils y logent, ils s’y forment et à leur retour dans leurs pays respectifs, adaptent le modèle nigérian – ce qui est synonyme de retombées économiques directes.

Comment utiliser le Web pour développer sa base d’audience ? La télévision de papa c’est fini. Réveillons-nous ! Quand on constate qu’un youtubeur qui produit ses émissions avec 2 caméras reflex et un kit lumière à 300 euros attire dix millions d’abonnés sur sa page, cela doit nous interpeller sur nos tares, mais également sur les opportunités qui s’offrent à nous.

Quelle politique de ressources humaines adopter pour ne pas se laisser dépasser ? Cette télé dont nous rêvons, vous et moi Madeleine Alingué, est managée, animée, produite par des femmes et des hommes qui doivent être ‘’up to date’’. Car en 2017, les technologies nécessaires pour produire une belle télévision évoluent plus vite que le temps qui s’écoule. Je parlais plus haut de l’agilité, prise en exemple par Emmanuelle Duez. Cette qualité des personnes intelligentes doit être le premier critère de sélection des collaborateurs de la télé de demain. A cet effet, le ministère doit prévoir l’intégration d’un centre de formation continue interne à la télé prêt à enseigner les dernières évolutions pour chaque corps de métier.

Quel financement pour une télé vraiment autonome (hors budget émanant de l’Etat) ? Générer de l’argent par ses propres activités est la meilleure manière d’accroitre sa compétitivité et son autonomie de gestion. Il y a d’innombrables poches dans le lignage des activités d’une télévision pour faire entrer des sous. Je pense, entre autre idées, mettre en place une régie publicitaire externe. Elle sera co-gérée par les responsables de la télé et une agence dédiée. Mais l’exploitation sera confiée à l’agence dédiée qui est tenue par des objectifs chiffrés. Ensuite développer une offre de produits audiovisuels shorts consultables gratuitement en ligne et tabler sur le trafic créé pour se faire rémunérer via un outil tel qu’Adsens (monétisation de sites internet). En rendant la plateforme accessible et agréable (UX Design) on peut fidéliser, disons… 5 millions de personnes (sachant que le net n’a pas de frontière). Les spécialistes AdWords, pouvez-vous nous calculer une simulation de ce que cela peut représenter en CFA mensuel ? Mon ami Salim, du collectif Wenak Labs, m’explique que ‘’pour un site basique, AdSens évalue un clique à 300 francs CFA.’’ Si on arrive à attirer 5 millions de personnes par jour (ce qui n'est plus un site basique), cela fait 1 500 000 francs. Par mois cela donne 45 000 000 CFA. Mais pour atteindre ce niveau, il faut carburer et s’appuyer sur des pros qui ont faim !

Le rôle du planning stratégique

Avant d’entamer et d’approfondir cette phase de réflexion nécessaire et vitale pour construire ‘’la télé de demain’’, l’organisme étatique qu’est la Télé Tchad a besoin d’un observateur pour faire comprendre ce que sont les fond baptismaux de cette télé. Sans cette compréhension, toute projection sur le future serait vouée à l’échec. Comprendre les maux éventuels, d’où viennent-ils, quels sont leurs causes, comment et avec qui les guérir, etc. La TVT a donc besoin d’un ‘Responsable de la stratégie’’, ce que les anglo-saxons appellent un CSO (Chief strategy officer) et que dans le secteur de la communication/marketing on appelle un ‘’Planner stratégique’’ outsourcé.

cso

Produire la télé qu'on a aimée

En tant que professionnel, je me vois produire et offrir aux téléspectateurs cette télévision que j’ai aimée. Cette télévision qui m’a éduquée. Cet écran que j’ai dévoré et dont je m’empiffre encore aujourd’hui. Je souhaite offrir aux aficionados de Télé Tchad les émotions qui étaient les miennes quand je découvrais avec les yeux d’un gamin de 8 ans les Maradona, Zico ou Platini lors de la coupe du monde 19982. D’ailleurs mon plus vieux souvenir télé date de cette époque, un match de foot Argentine-Belgique. Je souhaite communiquer aux petits tchadiens la fierté que j’avais quand je racontais à l’école quelques préceptes scientifiques et/ou historiques retenus dans la série d’animation ‘’Il était une fois la vie/l’histoire’’. Oui, la télévision a été pour mes frères et moi un trait d’union entre l’éducation familiale negro-musulmane inculquée par notre mère et l’école catholique que nous fréquentions. Une sorte de professeur qu’on aime écouter, qui nous cultive, qui nous informe, qui nous divertit, qui nous procure des émotions, qui nous choque parfois. Mais parce qu’il est là pour nous choquer de temps en temps, ce professeur cathodique nous enseigne l’art de le regarder, de le suivre avec intelligence et d’éviter ses pièges (je pense à des émissions telles que ‘’Décryptage’’).

Dans mon for intérieur, j’aimerai tant que les visages de Télé Tchad soient pour les Tchadiens des exemples tels que j’ai pu en avoir en regardant la télé. Que chaque figure publique de la télévision tchadienne soit elle-même un média en dehors du média. Ceci via un blog, une action caritative ou ses comptes de RS car la télé doit aussi servir d’inspiration au public qu’elle draine. Je me suis approprié les personnalités qui partageaient mon quotidien. Ces visages publics sont parfois devenus des inspirations. En entamant mes études de journalisme, je me suis imaginé en Jean Bertolino, grand reporter de TF1, sillonnant caméra à l’épaule la cordillère des Andes dans un reportage sur les narcotrafiquants. J’en ai connu qui se sont lancés dans les affaires grâce à l’image de winner reflétée par Bernard Tapie (période animateur télé) dans l’émission ‘’Ambition’’. Il y a aussi des découvertes parfois étranges de soi-même : je me souviendrai toujours de l’effet que faisait sur moi à l’âge de 12 ans l’animatrice Karen Cheryl. Ahhh, la télévision, une vraie amie, dans tous les sens du terme.

L’adulte que je suis aujourd’hui regarde la télé avec autant de passion et de curiosité qu’il y a trente ans. Assouvir cette passion et répondre à la curiosité de ces millions d’enfants, de femmes et d’hommes qui prennent le temps de passer quelques heures devant les programmes doit être l’objectif principal du futur dirigeant de l’audiovisuel public tchadien.

Chérif ADOUDOU ARTINE @fortius0

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Commentaires
M
Je suis persuadé que , si on vous confie la charge du changement de " la télé Tchad de demain" vous le feriez avec plein des stratégies
Répondre
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